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CERIEC: Tester des solutions concrètes pour la circularité

Le CERIEC utilise des laboratoires d’accélération et des projets expérimentaux pour accélérer la transition du Québec vers une économie circulaire. Découvrez leur mission dans cette entrevue exclusive avec Daniel Normandin, Directeur du CERIEC et Directeur exécutif du RRECQ, parue dans Circular Economy Magazine.

/ 10 mins / SparxTeam

Le travail des agents et des agentes de changement se déroule souvent de manière isolée. Cependant, pour faire progresser l’économie circulaire plus efficacement, avec une approche durable et équitable, nous devons aborder les enjeux sous tous leurs angles, à travers toute la chaîne de valeur.

Nous avons discuté avec Daniel Normandin, Directeur du CERIEC et Directeur exécutif du RRECQ, de la manière dont les laboratoires d’accélération  et les projets d’expérimentation qui en découlent mènent à des solutions concrètes, testées sur le terrain, pour accélérer la transition du Québec : un modèle pouvant être reproduit partout en Amérique du Nord.

Comment le CERIEC et le RRECQ soutiennent-ils l’écosystème d’innovation du Québec et font-ils progresser l’économie circulaire ? 

Basé à l’École de technologie supérieure (ÉTS), une école d’ingénieurs située à Montréal, le CERIEC est un centre de recherche dont les membres-chercheur.euse.s sont issu.e.s de tous les domaines du génie. Au CERIEC, l’innovation est intimement liée à son principal dispositif de recherche appelé « laboratoires d’accélération sectoriels en économie circulaire », lequel repose sur le concept de « laboratoires vivants ». En vertu de cette approche, les expert.e.s du CERIEC mobilisent et animent des acteur.trice.s clés d’un secteur donné dans la totalité de sa chaîne de valeur. 

De concert avec des chercheur.euse.s de diverses disciplines et sous la supervision des expert.e.s du CERIEC, les acteur.trice.s concerné.e.s développent une vision commune de ce même secteur « plus circulaire » à l’horizon de 2040. Les barrières et les freins à cette vision sont ensuite co-identifiés et les solutions pour lever ces freins sont cocréées avec l’ensemble des parties prenantes. 

Ces solutions sont testées sur le terrain via des projets d’expérimentation. Elles peuvent être technologiques, règlementaires ou autres. Les connaissances ainsi générées sont, tout au long du processus, transférées vers les utilisateurs et accessibles en fin de projet sur une plateforme ouverte. 

Trois secteurs sont actuellement investis via ce dispositif, soit les secteurs de la construction, des systèmes alimentaires et des textiles. L’ensemble de ces labs constitue un écosystème appelé « ELEC » (Écosystème de laboratoires d’accélération en économie circulaire). D’autres secteurs économiques clés seront également abordés au cours des mois et des années à venir.

Pour sa part, le RRECQ regroupe plus de 300 chercheuses et chercheur.euse.s universitaires et collégiaux.ales membres issu.e.s de plus d’une soixantaine de disciplines, provenant du Québec, mais également d’universités hors Québec et hors Canada. 

Reconnu comme étant le plus important réseau de recherche interdisciplinaire en économie circulaire au monde (selon la Fondation britannique Ellen MacArthur) et soutenu par les Fonds de recherche du Québec, le réseau met en œuvre une programmation de recherche innovante, qui repose sur treize thématiques et projets structurants. 

Ces thématiques et projets visent à parfaire le système de production – consommation que constitue l’économie circulaire sous tous ses angles, afin de le rendre plus opérationnalisable, plus durable, plus performant, plus juste et plus équitable. 

À travers ses appels à projets, ses colloques scientifiques et ses activités de maillage et de transfert, le RRECQ favorise les chocs d’idées et les initiatives inter et transdisciplinaires conduisant à des avancées pour la transition.

Quels avantages uniques offre le paysage d’innovation du Québec pour favoriser des solutions d’économie circulaire, et comment ces forces peuvent-elles être exploitées pour soutenir des solutions au-delà des frontières québécoises ?

Ayant débuté sa transition circulaire en 2014, le Québec fait office de pionnier en Amérique du Nord. C’est le milieu académique qui a fait office de bougie d’allumage pour le mouvement et, rapidement, des acteurs stratégiques, issus des milieux industriels, associatifs, environnementaux, gouvernementaux et académiques se sont ralliés, au sein d’une initiative appelée « Pôle québécois de concertation en économie circulaire », dont l’objectif est de définir et de contribuer à mettre en place les conditions favorables à la transition. 

Cette mobilisation multisectorielle et interdisciplinaire unique a permis de jeter les bases d’une transformation systémique du modèle économique québécois. Regroupant plus d’une vingtaine d’acteurs, le Pôle sert à la fois de groupe de rétroaction pour le milieu académique, et de courroie de transmission des connaissances issues du milieu académique vers les milieux preneurs. 

L’approche résolument horizontale, la coopération, l’établissement de partenariats innovants, durables, et la pollinisation croisée des idées représentent des éléments clés de la transition québécoise. Le modèle d’un pôle de concertation est tout à fait réplicable à l’échelle du Canada et au-delà. Il en est de même pour les labs d’accélération développés au Québec. 

Enfin, le RRECQ, par sa taille et le nombre de disciplines représentées, est unique au monde.

Comment le CERIEC et le RRECQ collaborent-ils avec les entreprises, le milieu académique et les gouvernements pour développer des solutions circulaires au Québec ?

Le CERIEC et le RRECQ participent aux commissions publiques pour définir les feuilles de route gouvernementales, qu’elles soient provinciales ou régionales, de même que les législations relatives à l’économie circulaire. Les deux organisations mobilisent les entreprises, le milieu académique et les gouvernements afin de prendre part à leurs activités de recherche-action.

Le déploiement de l’économie circulaire requiert une approche systémique et la collaboration inédite des parties prenantes. C’est dans cet esprit que l’ELEC est mis en œuvre. La méthodologie d’animation de ses labs permet d’établir des objectifs communs, des méthodes, des outils et des indicateurs spécifiques. 

Au fil des ateliers menés par l’équipe de l’ELEC, les parties prenantes mobilisées apprennent à travailler ensemble, à imaginer et à cocréer des solutions qui répondent aux préoccupations des secteurs investis et aux besoins du terrain.

Le RRECQ, à l’interface entre recherche et société, consulte et mobilise les savoirs d’une variété de parties prenantes afin d’orienter ses recherches et de faire en sorte que les résultats de ses travaux soient bien orientés sur les besoins de la société en matière de transition.

De quelle manière l’Écosystème de laboratoires d’accélération du CERIEC permet-il d’obtenir des résultats innovants concrets favorables à la transition ?

Financé par Desjardins et par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE), le Lab construction, premier laboratoire d’accélération du CERIEC lancé en 2021, a mobilisé plus de 300 personnes issues de plus de 125 organisations. Les ateliers, qui se sont déroulés sur 12 mois, et les projets d’expérimentation qui ont suivi sur 24 mois, ont permis de cocréer 17 solutions concrètes, testées sur le terrain à travers 19 projets. 

Parmi ceux-ci, mentionnons un projet de réemploi de matériaux issus de la déconstruction de bâtiments en Gaspésie, un projet de rénovation circulaire d’un duplex, un projet d’intégration de granulats bitumineux recyclés dans des travaux routiers.

Pouvez-vous partager des exemples de projets du RRECQ qui soutiennent les milieux preneurs dans leur transition ?

Le RRECQ a contribué au financement de plusieurs outils pratiques pour les milieux économiques. Les professeures Cécile Fonrouge et Amina Lamghari, de l’Université du Québec à Trois-Rivières, ont développé un outil et une stratégie d’analyse des données ouvertes permettant à une organisation de créer un nouveau modèle d’affaires circulaire ou de parfaire son modèle circulaire existant. 

Le professeur François Labelle, de la même université, s’est penché sur un outil en ligne qui permet aux PME de prendre conscience des pratiques de circularité qu’elles peuvent adopter, des retombées positives qui en découlent, d’obtenir une évaluation de leur niveau de maturité sur le sujet, et surtout d’être dirigées vers d’autres PME qui leur ressemblent et qui sont championnes en la matière : l’Indice de circularité des PME 4.0

Le professeur Marc Journeault, de l’Université Laval, cotitulaire du RRECQ, a codéveloppé, avec des collègues du Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTEI), un guide à l’attention des entreprises, afin qu’elles puissent réaliser une analyse des coûts de leurs flux de matières (ACFM).

Plusieurs autres projets financés par le RRECQ ont permis de développer de nouveaux matériaux circulaires, par exemple : une matière première recyclable infusée de métaux pour l’impression 3D, un écobéton à base d’agrégats en fibres textiles recyclées, un matériau composite polymère (PLA) biosourcé comprenant des particules de coquille d’œuf.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les efforts du RRECQ pour développer une feuille de route à long terme pour l’économie circulaire au Québec ?

La transition vers un modèle économique différent nécessite de profonds changements qui ne seront durables qu’avec une transformation informée, débattue et, surtout, choisie. C’est en réponse à ce constat que le RRECQ a lancé le projet prospectif et participatif de Feuille de route pour la transition vers une économie circulaire de la société québécoise 2025 – 2050.

À l’échelle mondiale, de nombreuses feuilles de route en économie circulaire ont émergé ces dernières années. Parmi ces initiatives, au Québec, figure la feuille de route gouvernementale en économie circulaire 2024-2028, celles de la Montérégie, des Laurentides, de Sherbrooke, de Montréal et de la Communauté métropolitaine de Québec. 

Ces feuilles de route, élaborées dans un esprit de cocréation, soulignent l’importance des synergies entre les acteur.trice.s locaux.ales pour réussir une transition, en s’adaptant aux particularités de chaque territoire.

La feuille de route du RRECQ vise, quant à elle, à connecter l’ensemble des initiatives. Elle constitue un guide souple pour orienter les actions sur le terrain. Elle n’impose pas d’actions précises, mais reflète la vision collective d’un avenir circulaire. 

Les savoirs mobilisés, les jalons prioritaires à franchir et leurs interactions, ainsi que des exemples d’initiatives inspirantes et des meilleures pratiques, forment un ensemble de repères essentiels. 

Pour cette raison, le RRECQ a mobilisé dans sa démarche plus de 250 personnes d’horizons variés pour imaginer ensemble une vision, ainsi qu’une cinquantaine d’expert.e.s pour définir les 67 jalons à atteindre entre 2025 et 2050 afin de relier le présent au futur souhaité.

En regardant vers l’avenir, quels sont vos espoirs pour l’économie circulaire au Canada au cours de la prochaine décennie, et comment vos organisations envisagent-elles de contribuer à cette vision ? 

En 2021, des expert.e.s du Conseil des académies canadiennes ont publié le rapport Un tournant décisif analysant ce qu’est l’économie circulaire, comment elle fonctionne et comment elle pourrait profiter au Canada. Nous espérons que le gouvernement fédéral s’en inspire et qu’il élabore et mette en œuvre une feuille de route pouvant mobiliser l’ensemble des provinces et territoires canadiens. 

Le RRECQ et le CERIEC s’engagent à poursuivre et à intensifier leurs collaborations avec les décideurs, les milieux preneurs et les collègues des universités hors Québec afin de faire du Canada un chef de file nord-américain en matière d’économie circulaire.

Cet article a été co-écrit par Émilie Chiasson, Conseillère en communication.

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